Ce matin, séance
décrassante à allure libre, trois quarts d'heure pour nettoyer les
jambes de la veille avant une sortie plus énergique prévue mercredi
matin. Sensations agréables alors que le monde tire la gueule et que
la tête rumine : l'acharnement médiatique sur Tsipras depuis son
annonce d'un référendum est tel que de grossier, il en devient
insultant. Le Monde mitraille sans même y croire – le
dialogue mis en scène entre trois Grecs –, France Culture propose
une émission sur la négociation lors de laquelle Tsipras est
présenté comme inexpérimenté et inconséquent.
Mais quand il n'y a plus
rien à négocier que l'acceptation ou le refus d'une politique
économique inopérante et amorale et que le courage politique, à
l'opposé du principe de carrière électorale, va jusqu'à rendre la
parole aux électeurs grecs aussi peu de temps après l'arrivée au
gouvernement, je ne voudrais pas être payé à noircir les pages,
les écrans et les ondes qui nous entourent ces jours-ci.
Restent, face aux
gouvernements inertes comme le nôtre, les voies légales :
pétitions, manifestations, articles, blogs, textes et images de
toute sorte etc. pour dénoter dans ce concert mortifère.
*
Je ne comprends pas les
gens qui courent avec de la musique. Je ne comprends pas les gens qui
nagent non plus, alors ce ne doit pas être bien grave. Mais pour un
coureur écoutant un podcast ou un livre audio, combien se conçoivent
une bulle de motivation par la playlist de leur smartphone ?
J'ai couru une fois, il y
a longtemps et pour ne pas mourir idiot, avec de la musique. Je
n'entendais pas mes pas, je n'entendais pas mon souffle, je
n'entendais pas le piano que j'avais entrepris d'écouter. Le paysage
visuel, privé de paysage sonore, devenait factice et piégeux,
hostile à l'itinéraire. Pire, je me suis ennuyé, dépris du monde,
soumis à un rythme musical troublant celui de mes pas.
Je n'ai pas recommencé.
Parfois, j'envisage de
courir avec un podcast, écouter une émission, mais ce serait
finalement me priver de ce qui me plaît tant, l'équilibre entre
activité et méditation, entre le léger suspens de soi alors que le
corps envoie un maximum de signaux, et l'extrême attention aux
signes du monde pour ajuster et optimiser l'un ou l'autre élément
de la course. Pourquoi perdre un moment aussi sensuel en s'aliénant l'audition ?
Un autre inconvénient,
cela impliquerait de prendre mon téléphone avec moi, ce dont il ne
peut être sérieusement question.
*
L'écriture de ce journal, elle, ne pâtit pas de se faire en musique, ce qui n'est pas nouveau mais pas habituel non plus. La prose non narrative s'accompagne bien aussi de schèmes rythmiques qui, pour le coup, aident à la suspension scripturale, alors que pour le même effort dans d'autres genres, ils sont souvent des gênes irrémédiables.
Compagne de ce soir, de la musique militante, belle et fine.