vendredi 26 février 2016

Tout le tremblement – il nous faudrait Thomas Bernhard

Sur les semaines se sont étalées des teintes inégales dont je m’espérais gardé. À prendre les grandes décisions, à opérer les grands changements on s’imagine établir sans peine le durable, le meilleur, mais chaque instant propose cadre et circonstances avec lesquels il faut tout de même faire et rechercher l’énergie de continuer ce en quoi l’on croit.
La maison à Brest est un défi car elle est là, pleine de promesses, mais ce qui se dérobe de son accueil en raison des travaux nécessaires peut griser certains jours. Tout est à faire, en même temps, et le satisfecit de la course à pied est le premier à sauter entre le travail, la musique, la méditation, le jardin et l’écriture. Cette dernière, si elle a évité ce journal, diffuse toujours dans les carnets et s’épanche aussi par des paroles de chanson pour Matthieu, des projets plus amples, plus longs qui m’ont accaparé et que Julie ne trouve pas trop mauvais.
Derrière, l’ombre du marathon s’est installée, rendue inamicale et que j’ai résolu de dédramatiser en m’en déliant, en lui substituant un semi à la même date, que j’ai dans les jambes – puisque couru plusieurs fois à l’entrainement – et qui lui ne pâtit pas d’un scepticisme largement intériorisé. Il sera temps pour le marathon à condition que sa préparation soit source de plaisir et non contrainte de ma course, comme elle l’est devenue.

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Tout autour, les rencontres de l’ancien et du nouveau, les retrouvailles avec d’anciens camarades, avec les souvenirs en vidant la cave familiale. On est facilement tenté par la nostalgie, revivre sa propre vie en s’y réinventant plus ou moins. Peu sûr de ce que ce tentant cocon peut amener, j’ai rejoint mon frère dans l’idée de vivre nos vies présentes. Et si les réunions d’anciens combattants, amenées par mes passages à Clermont, baignent dans de douces effluves, elles valent en ce qu’elles sont des parenthèses. Ensemble, nous refaisons, nous vivons et le sentiment qui en découle est d’appétit pour le maintenant.

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Au-dehors mais tellement baveuse qu’elle s’insinue jusqu’à la nausée dans nos cœurs, l’insulte étonnante à l’intelligence, le cynisme fondamental du gouvernement socialiste et de ses appuis. Ce qui hérisse, c’est qu’ils sont censés être des alliés objectifs des forces de gauche, donc des forces de progrès, de liberté, d’égalité et de fraternité. Et qu’à force de passion du pouvoir, de passion de la puissance d’agir, de passion du moi, ils parviennent à se convaincre de la légitimité de la destruction permanente par la nullité de leur pensée comme de leurs actes. Hollande indexant son avenir politique à la courbe du chômage devient un exact miroir du précédent Sarkozy indexant le sien à celle de la délinquance. On connaît désormais les dégâts profonds à court, moyen et long terme de ses méthodes iniques. Hollande se jette dans la même course, oriente les chiffres exhibés avec le même toupet, achève de démolir le parti socialiste tout en s’appuyant sur une génération arrivée avec lui au pouvoir et qui, si elle ne se désolidarise pas vite de sa politique, va entraîner pour des décennies la gauche dans la médiocrité.
Qui appuie Hollande appuie la catastrophe de Calais, une politique de camps, de frontières, d’enfermement, une politique grotesque et néfaste, une politique de l’état d’urgence, une politique du 49-3, une politique qui augmente le temps de travail au lieu de le partager, une politique haineuse, une politique méprisante qui flatte les banques, s’enorgueillit de cerveaux mais pas de convictions, une politique qui se la raconte, une politique qui me fait assez chier pour que je m’emporte, une politique sans culture et sans connaissances, une politique sans grammaire et donc sans savoir, une politique qui ne travaille pas sauf à elle-même, c’est-à-dire à la destruction, une politique qui nourrit consciencieusement les épouvantails qu’elle agite pour nous faire peur, une politique de la peur donc et de l’agitation, une politique qui se gargarise. Qu’y a-t-il de plus ridicule et de plus sinistre qu’une politique qui se gargarise ? Rien que le mot, se « gargariser », est très laid, très importun, très détestable. J’ai beaucoup de peine de façon générale à ne pas détester qui se gargarise, à le laisser dans son coin se gargariser. Le parti socialiste se gargarise tellement ces jours-ci qu’il va finir par s’étouffer.

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Comme souligné par Magic qui lui a aussi consacré sa une, Julia Holter a réussi l’exploit de figurer en couverture de Wire et de voir son disque distingué comme album de l’année par Mojo, soit le grand écart absolu par une immense artiste qui hante mes oreilles depuis les premiers mois marseillais, Ekstasis et cette chanson.
Et ce clip absolu.