On n’est pas sérieux quand on a 35 ans.
On n’est pas sérieux, on se jette dans un
camion comme dans un feu pour aller jouer partout où on le pourra, de la
musique, chez les riches et chez les pauvres, chez les gens accueillants, chez
les gens qui s’en foutent mais on ne s’en fout pas, nous, on joue et les quatre
ou quarante paires d’oreilles qui écoutent en auront eu pour leur bienveillance
ou pour leur attention.
On n’est pas sérieux parce qu’on n’est pas
les meilleurs pour vendre ni pour se vendre. Tout ce qu’on veut c’est
jouer-de-la-musique, des concerts, des disques. Pourquoi ? « On
commence à faire ressentir des trucs aux gens. » Pour ça.
On n’est pas sérieux parce qu’on s’épuise,
qu’on rêve de s’écrouler tout doucement quelque part et qu’en même temps on
rêve de repartir, remettre ça. On a nos vies et cette vie. On l’accepte et on
apprend à accepter, comme ça, un peu plus de choses.
On n’est pas sérieux quand on connaît tous
les triangles, toutes les salades, toutes les pasta box, toutes les aires, toutes
les gares. On échoue chez les meilleures âmes, on compare les Formule 1, on
discute avec l’immensité des travailleurs de ces lieux.
On n’est pas sérieux mais on vieillit
alors on cherche parfois une soupe, un légume, on se ménage, on aménage le
temps avec plus de volonté, plus d’expérience. Ou pas et ce n’est pas grave.
On n’est pas sérieux et on rencontre
partout, tout le temps, ou parfois et juste en certains lieux, des gens avec
lesquels la vie devient meilleure de leur humanité. On discute, on trépigne, on
crée. On se souvient ou on oublie. On le sait. On saoûle ou on se saoûle ou les
deux, on s’oublie dans la soirée ou on la regarde passer.
On n’est pas sérieux et on se chicane et
on s’aime.
On n’est pas sérieux et on a raison.