jeudi 3 août 2017

De la fin d'un journal

« Avançons dans la genèse de mes prétentions. »
Pierre Michon, Les Vies minuscules.

Retour à un blog qui sent la poussière. Et qui va, de nouveau, après une visite modeste, dormir pour une durée indéterminée. Je ne ferai pas grand chose de plus que constater ce sommeil, l’orner de quelques fils et figures de ce qu’a pu être un Journal d’un marathon.
Journal, donc par moi et pour moi, donné à lire et vécu en ouvroir de ce qui peut s’écrire.
Sauf que : les médecins se succèdent pour me délivrer des certificats d’aptitude à la pratique de la course à pied en compétition, certificats qui gisent les uns après les autres au fond d’un tiroir, inutiles. Je cours, toujours, pour moi. Je cours beaucoup. Je crée ou laisse se créer des itinéraires dans les villes que mon itinérance générale offre à parcourir, dans les campagnes environnantes. Et cette pratique suffit à faire sens.
La simple surveillance d’un gps m’agace : le mien dort dans le tiroir avec les certificats, exhumé deux fois l’an quand je sais à l’avance que je vais courir plus de deux heures. Et donc j’ai bien couru plus de deux heures, plus de vingt kilomètres, les calories ont bien brûlé, le cœur a battu un rythme satisfaisant.
Le sens de la mesure de la performance s’est vidé. Ce qui me plaît demeure de courir régulièrement, si possible longtemps, et d’y consacrer mon esprit ainsi irrigué. Une montre suffit à constater la durée, une carte permet, si l’envie s’en fait sentir, d’évaluer les difficultés franchies. Nul autre besoin n’apparaît sinon de menus défis, aller de là à ici puis revenir, ce genre de choses. Cela est advenu naturellement. Être en forme, aussi, simplement. Et l’état second de la fameuse transe du coureur.
Un journal de ces moments pourrait s’écrire, il s’écrira peut-être, d’une veine intranquille, sans événements. Mais pour l’instant et ceux qui suivent au point que je les pressente, leur collection suscite et nourrit d’autres écritures. Et le romantisme de l’idée de marathon, assoupi, attendra.
La poésie est revenue sous des formes et avec une force qui m’obligent. Une partie va demeurer intime, une autre se regrouper en fascicules et recueils, une dernière enfin s’animer au son de ma voix et de musiciens. Ça prend du temps, ça prend forme, ça vaut le coup.
Un récit de fiction, par ailleurs, est achevé. Ça prend aussi du temps. Et ça nourrit le reste, comme le reste s’en est nourri aussi, comme tout se nourrit de tout quand on demeure un organisme, vivant. Comme la course se nourrit de l’écriture et l’écriture se nourrit de la course.

*

Reste un certain nombre d’articles ici, mal référencés, sans plan général, postés sans relecture — détail important —, un authentique journal. Il y a de quoi errer, il y a à boire et à manger, il y a un peu d’esthétique et pas mal de politique, quelques textes dont je demeure satisfait, un certain nombre d’insignifiants.
Je les laisse à disposition.

Ils témoignent de moments importants et ce matin, en courant entre Chanturgue et le stade du Colombier — et quelques autres lieux mais passons, c’était une belle sortie —, j’ai songé au présent post, quelques mots de moi à moi, d’un être à un autre, pourtant le même. Et à l’importance de cette expression pour affermir les autres. Et au mot de Michon, en ouverture du livre qui raconte sa naissance à la littérature. On passe une vie à naître et c’est une occupation assez plaisante.

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En point final, une chanson de Julia Holter, l'artiste qui me parle le mieux depuis tant d'années. Cette chanson plutôt qu'une autre, sans doute parce qu'il y a un chien dans le clip. J'adore les chiens.