dimanche 11 octobre 2015

On tourne


Comme me l'a fait remarqué une vieille amie sur le perron du Beffroi à Montrouge, les notes de ce journal se sont éloignées de la course à pied. C'est le principe aussi de son absence de règle, principe pourtant obsolète dès le titre : ce journal est celui d'un marathon à courir, de ce qu'est une vie ayant un marathon à courir, de ce qui participe et appelle la course, de ce qui la nourrit, de ce qui en naît. Depuis, dessous, une vie remue donnée à lire avant la fin du texte, dans ses fragments, dont certains forment texte eux-mêmes.

*

En début de semaine à Brest, première sortie à vélo hors de la ville vers Plouzané. Je souhaitais découvrir le phare du petit minou, c'est son nom, donnant sur l'ouverture de la rade et raconté par Julie comme l'un de ses lieux d'élection. Les deux heures furent un bonheur malgré un temps dont je ne parviens pas encore à attester la fiabilité et un demi-tour à quelques centaines de mètres du but. À vélo, on a aussi le temps de réfléchir et si je me crée mes propres lieux et mes propres chemins à Brest, je sais que je veux contempler ce phare d'abord avec Julie.

*

À Bruz, à côté de Rennes, sortie courte au petit lendemain de nos retrouvailles avec JLM et son équipe dans une campagne saisie par une brume trapue en dessous du soleil, dans laquelle surnagent haies, arbres et leurs toiles d'araignées alourdies. La fraîcheur de l'air et les odeurs de prés et de champs m'ont laissé divaguer les paysages russes de campagnes saisies par le climat continental, comme à chaque fois que la ruralité sans relief, exotique, s'offre à moi et que j'ai froid aux oreilles. C'est l'un des archétypes personnels naissant de sensations enrichies de contexte, une madeleine régulière parmi d'autres.

*

À Beaumont, en day off, sortie d'après-midi ensoleillé, à nouveau sur des sentiers d'enfance. Suite à une crevaison de mon frère assez éloignée de la maison, notre mère avait assigné des limites au territoire de nos jeux vélocipédiques. Ce sont ses contours que j'ai inconsciemment emprunté, rappelé à mes yeux. Plus grand, parmi des haies qui ont aussi poussé, je me suis redonné par la négative le sentiment de sol qui me quittait rarement lors de ces escapades : le sol proche qui rappelait à chaque instant la possibilité de la chute, qui signifiait par sa résistance la difficulté du pédalage, qui lors des rencontres précipitées avec nos corps laissait l'une ou l'autre marque. Parcourant l'ancienne frontière entre pavillons et jardins, bois et territoires cultivés dont mon enfance supposait l'équilibre, j'ai encore déploré le centre commercial, la station-service, les résidences qui l'effacent.

*

La tournée suit son cours, riche de sensations et d'intensités. Elle donne à écrire, elle inspire, elle donne à faire. La belle équipe.

3 commentaires: