Concert à la Maison des
Sports, Clermont-Ferrand : 19 juin 1997.
Concert « des
cinquante ans » au Madison Square Garden, New York : 9 janvier
1997, diffusion dans la foulée sur Canal +.
À côté, The Rise
and Fall…, sans doute reçu en cadeau à noël 1996, ou 1995
mais j’en doute.
Avant, un nom qui revient
comme un mantra dans la chose qui nous intéresse de plus en plus mon
frère et moi. Le hasard et l’un des premiers Rock&Folk
qu’il a achetés nous ont donné Lou Reed d’abord, que nous
explorons passionnément du Velvet à The Blue Mask et Set
the Twilight Reeling avec une prédilection personnelle pour
Berlin, écouté en boucle dans le bus des obligations
scolaires. L’outrance, déjà, ne fait plus peur, elle est
distinction mariée à l’élégance. On suppose dans les
interstices des légendes une vie incroyable et pourtant du même os
que la nôtre, la fameuse lutte contre l’ennui.
Bowie existe comme un
mystère sans porte d’entrée, difficile à relier avec les
quelques tubes rescapés des années quatre-vingt et l’apparition
lors de l’hommage à Freddie Mercury filmé à Wembley, première
VHS cruciale. Après celle-ci, il y a eu Nirvana, Metallica, Black
Sabbath. Aucun d’eux ne suffit à faire une vie, aucun d’eux
n’existe sans costume. Leur exotisme n’est remplacé par celui
des putes et des drogues de Reed que parce que ce dernier s’adresse
au creux de l’oreille plutôt que d’hurler au lointain, nous
lâche les basques avec un Cthulhu que même en rêve on est certain
de ne jamais approcher. Un premier indice de génie, dépecer les
bas-fonds réels ou fantasmés de leur extériorité, nous les
donner.
*
Une image suffit lors
d’un de ces documentaires télévisés d’avant Internet, sources
essentielles d’images et de sons, quelques secondes d’un Bowie
théâtral au possible, chantant un crâne en main, petit Hamlet, sur
fond de guitare inscrites hurlantes dans mon cerveau. L’image
la plus excitante de mes quinze ans, l’image fondatrice : « il
existe ».
*
Ziggy Stardust, donc,
chef-d’œuvre officiel et obligatoire, personnage légendaire.
L’album d’abord me déçoit : je ne retrouve pas les guitares
hurlantes de l’image fondatrice mais des chansons qui débutent
et s’achèvent de façon étrange, des guitares acoustiques, du
piano qui fait même penser à Elton John, des violons, trop de
choses que nourri par la rugosité d’un certain metal et Lou Reed,
je trouve molles voire jolies. Ça ne dure pas. La voix.
Comme chez Reed sur ses
bons disques, chaque mot chanté s’aligne sur une fréquence
intime, le plus souvent inconnue, qu’elle fait vibrer avec une
constance et une justesse qui me ravissent autant qu’elles
m’épuisent. Bowie en chantant Ziggy m’interpelle à chaque mot,
ne me délaisse pas une seconde, me donne à découvrir en moi une
foule de possibles. Par dessus, les chansons et leur art narratif,
leur déploiement à chaque fois inattendu glissent de la déception
à l’admiration la plus complète. Comment fait-il ? Tout me semble
étranger et pourtant tout me parle avec force. C’est comme dire
qu’une œuvre donne un monde, sauf que Bowie en donne des
quantités, dans et entre les chansons, avec minutie.
Peu à peu les différents
éléments forment un ensemble adoré de chansons, d’arrangements,
d’interprétations et de sons.
*
Earthling sort en
février 1997. Bowie présente deux chansons en live à Nulle Part
Ailleurs, nous achetons le disque que nous fréquentons déjà quand
Canal + diffuse le concert enregistré au Madison Square Garden pour
ses cinquante ans.
C’est l’année de la
grande accélération puisque je connais et estime tous les invités
de la célébration – Frank Black, Lou Reed, Sonic Youth, Billy
Corgan. Robert Smith m’indiffère encore, les Foo Fighters ne
servent déjà à rien. L’esthétique devient un centre. Autour,
l’électronique par un album révéré, épuisé d’écoutes,
prêté et jamais retrouvé, expérimental et pop. Bowie écoute de
la drum’n’bass, en use dans des chansons qui me plaisent, c’est
donc qu’une musique vit aussi dans ce qui jusqu’alors m’exécrait,
la machine.
Nous prenons langue entre
camarades de classe, nous arrivons avec un rien d’exigence au même
stade au même moment, l’importance de Bowie et de ce qu’il y a
autour, nous nous répartissons sans préméditation l’achat des
albums, avant de nous les échanger pour en faire des cassettes. Et
je me souviens ainsi de la première écoute de Hunky Dory, du
canapé, de l’heure et de mon état à la fin du disque.
Pianotage. Première
basse, premiers groupes et l’ennui : impatient, je voudrais que
tout soit aussi génial que ce que j’écoute mais ni Stuart
Staples, ni Will Oldham ne fréquentent mon bahut. On se comporte, on
fait comme on peut, on enregistrera même sans avoir encore la
constance.
*
Sur ce terrain lycéen
fertile survient l’annonce d’une tournée : Bowie vient jouer à
Clermont-Ferrand. Hors auditions de mon école de musique, je n’ai
jamais vu de concert. On se précipite sur les places, ignorant
qu’elles seront loin de toutes se vendre. Il n’y a pas d’air du
temps à l’indifférence.
Nous sommes une petite
bande accompagnée de mon frère, prudemment réfugiée dans les
gradins, effrayée encore par le principe de fosse. Du son est
diffusé avant le show, j’ai lu quelque part que Bowie était
méticuleux y compris à ce sujet et attentif, je prends une claque.
La musique électronique, instrumentale, au volume surprenant,
magique, parvient presque à stopper nos échanges frénétiques.
Il arrive, petit, joue
beaucoup de morceaux que je ne connais pas, beaucoup que je connais,
il joue beaucoup de saxophone. Tout devient immense, la lumière, le
son, sa voix, ce qui semblait normal et neutre comme la batterie et
les amplis devient autre, vecteurs animés. C’est un premier
concert et c’est David Bowie qui étire ses chansons, qui chante
« Quicksand », qui chante pour tout le monde et pour
chacun. Nous sommes debout les enthousiastes du gradin et jurerons
convaincus que son signe et son « yeah »
enthousiaste pendant « All the Young Dudes » était pour
nous, ce signe que j’ai reconnu hier soir en visionnant le concert
final de Ziggy à l’Hammersmith Odeon et qui m’a plus ému que le
reste, ce soin de la connivence.
*
Le reste comme tout le
monde, l’exploration, le goût et l’usage, des moments, ainsi le
jour où en écoutant pour la trentième fois « Station to
Station » j’ai enfin reçu estomaqué le morceau. Des
bamboches suspendues en s’extasiant devant tel ou tel tour à sa
manière, un « Starman », un « Always Crashing in
the Same Car ». La suite ne vaut vraiment que pour soi, je la
laisse.
*
Puis « Blackstar »,
d’abord la chanson et son clip usés avec parcimonie, tellement
géniaux que je ne voulais pas les éteindre dans la compression
numérique du son streamé. « Lazarus », commentaire
intriguant, moins susceptible d’épate par sa durée mais à la
même séduction. L’album, acheté en CD à sa sortie, écouté
religieusement la musique détachée d’images et de nouveau ces
mille mondes dans la voix, cette interprétation déployée dans,
encore, de nouvelles façons. Il m’a mis à genoux une nouvelle
fois, la composition, l’arrangement, l’interprétation, le son.
Puis il est mort.
C’est tellement parfait
en soi que je ne peux rien regretter.
*
David
Bowie, Maison des Sports de Clermont-Ferrand, 19 juin 1997
Outside
I'm
Deranged
Dead
Man Walking
The
Man Who Sold the World
Strangers
When We Meet
The
Last Thing You Should Do
V-2
Schneider
I'm
Afraid of Americans
White
Light/White Heat (The Velvet Underground cover)
The
Motel
Battle
for Britain (The Letter)
Seven
Years in Tibet
Pallas
Athena
Fashion
Fame
Under
Pressure (Queen cover)
Stay
Telling
Lies
Looking
for Satellites
O
Superman (Laurie Anderson cover)
The
Jean Genie
Queen
Bitch
All
the Young Dudes
Hallo
Spaceboy
Scary
Monsters (And Super Creeps)
Little
Wonder
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