Tandis que le travail
foncier se poursuit sous les intempéries – sorties d’une heure
les matins, plus longues de loin en loin jusqu’à la paire d’heure
–, nous nous trempons l’âme à la magnifique piscine du
Relecq-Keruon. Un sentiment de forme physique réelle fait son retour
après les fêtes, leurs lieux et leurs itinéraires pas tous
évidents.
Dehors, les soubresauts
de tempête avec lesquels il faut pactiser en acceptant une vie moins
extérieure que la marseillaise. La contemplation, de fait, se tourne
vers l’intérieur plus facilement et plutôt que de fuir le flux
des émotions par l’agitation physique et sociale, je tâche de le
laisser s’écouler dans son coin légitime, le couvant de l’œil
sans trop le laisser m’absorber. La course à pied demeure une
méditation en mouvement, une phénoménologie sportive. Simplement,
soumise à des conditions climatiques particulières, elle
s’abandonne moins à des sons et des images mêlés de vent et de
pluie et plus au souffle, aux efforts. J’imagine qu’il s’agit
là d’une phase de ma longue adaptation.
*
Parfois, sans fréquence
élevée, je me pose la question de ma capacité à courir un
marathon au printemps, supposant le scepticisme et sa légitimité
chez la plupart des gens que je côtoie. Mais ce sentiment ou point
de vue, chez le prochain comme chez moi, n’est pas moins légitime
que ma volonté d’accomplir ce qui est devenu un élément
structurant et hygiénique. L’un et l’autre mouvement est normal.
Mais il me semble que c’est en restant équilibré, ni trop pris de
doute, ni dans l’excès de confiance dans ce qui n’existe pas
encore, donc pas trop engagé ni dans l’un ni dans l’autre que je
conserverai la plus grande efficacité.
Une certitude, après six
mois sans cigarette – à trois près –, j’ai retrouvé du
souffle pour le saxophone, du souffle pour courir, du souffle pour
nager enfin une brasse propre, ce dont j’étais incapable à
Marseille.
*
En m’efforçant
d’espérer des événements moins atterrants que ceux de l’année
écoulée, je peuple l’oreille par deux expressionnistes cousins,
Bowie avec son immense Blackstar et Julia Holter dont le Loud
City Song n’en finit pas d’émerveiller nos murs.
Deleuze, « créer
c’est résister », tout ça.
Les textes s’accumulent,
s’empilent, s’emboîtent pour certains formant un autre texte,
plus long, rétif, qui comme les autres ne se laisse pas dresser et
donc me plaît, infusé de ce qui a pu se passer ici et se passe
maintenant aussi en lui. Dans les marges, des dessins et dans l'air, rythmes, mélodies, nappes.
Des trames et des lignes.
Des chemins.
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