jeudi 16 juillet 2015

De l'écriture et du bon usage


Ce qui doit être écrit n'est pas donné.
On n'a pas pensé à me délivrer de mode d'emploi quand je me suis manifesté, quand j'ai toqué à la porte du « je pousse des mots les uns derrière les autres en les inscrivant de façon à ce qu'ils ne bougent – a priori – plus, pour en faire usage, pour créer des usages ».
Non, on a oublié.

Je défriche donc, je demande peu d'avis parce que ce n'est pas mon genre sur ce qui doit ou devrait être fait. Les retours, parcimonieux, sont précieux car après. Mais j'ignore si les avis, conseils, peuvent donner s'ils sont préliminaires quelque chose à l'écriture qui la rende plus libre ou moins libre – dans le cadre d'un journal –, plus ou moins performatrice.

Il n'y a parfois que peu de hasard et je suis reparti de l'Alcazar, alors que je voulais surtout un peu de bande dessinée et si possible du Baudoin, avec deux journaux en bande dessinée, un volume de Fabrice Neaud et l'autre de Julie Doucet. Baudouin, c'était pour le récit intriqué au dessin, c'était pour piquer l'âme avant les vacances et le périple que l'on va entreprendre avec Julie. L'an dernier en Italie et Slovénie, nous avons à peine laissé déborder nos dessins et nos textes les uns sur les autres. J'ai souvent gribouillé en voyage, une activité féconde, et j'ai hâte d'approfondir ce travail en miroir dans l'émulsion des idées, des échanges. Reprendre une claque de Baudoin, de sa précieuse humilité me semblait être une bonne idée avant de dévier sans préméditation ni hésitation vers le journal.

Derrière le choix de ces ouvrages, il y a l'interrogation de la forme et de la nourriture du présent journal qui ne cesse de m'échapper alors que je l'écris, qui ne cesse de bifurquer pour ne jamais se tenir là où je l'avais imaginé, entre le témoignage et le laboratoire. C'est pourtant ce qu'il est strictement, mais cette essence ne correspond pas à la perception que j'en ai. J'avais projeté, prévu une autre perception du moment de son écriture. Mais c'est aussi cette nécessaire inadéquation qui fait que cela peut valoir le coup de s'atteler à sa feuille ou à son clavier. Neaud et Doucet posent chacun à leur tour ces mêmes questions, sans y répondre autrement que par la liberté qu'ils se donnent.

*

Deux fois j'ai couru ce week-end, sans mon frère car je sentais qu'il m'aurait accompagné surtout pour me faire plaisir. Du moins l'ai-je supposé, peut-être était-ce aussi pour ne pas culpabiliser d'y être allé à ma convenance, c'est-à-dire tôt le matin, quand la ville et Julie dorment encore. Et ainsi la deuxième séance, initialement dévolue aux fractionnés, m'a vu déployer une certaine énergie, comme s'il fallait que la sortie soit particulièrement dure pour se justifier.

Mais là encore, que raconter ? Laisser s'écouler la suite logique, la question habituelle : que suis-je prêt à laisser pour atteindre l'objectif fixé ? Quel inconfort suis-je capable d'assumer non pour moi, mais pour mes proches ? Je n'avais pas de scrupule à me lever tandis que le sommeil règne encore, jusqu'à réaliser que celui-ci me rattrape plus vite que les autres lorsque le soir s'installe.

*

Que raconter ? Signaler qu'en courant, quand parfois les jambes sont un peu plus lourdes, le souffle moins délié qu'on aurait voulu, on a recours comme un usage à certaine pensée, à certaine idée d'une fierté qu'on aurait su de celui qui n'est plus ? Et que cela se fait dans une concentration qui s'est facilement ritualisée, qu'on ne dilapide pas, passant aussi par des gestes précis ? Et que pour autant, on a la certitude de ne faire cela que pour soi, qu'il ne s'agit que d'une aide que l'on se donne, d'un usage possible du deuil dans les phases plus difficiles du quotidien, dont la préparation d'un marathon fait désormais partie ?

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Voilà certainement quelque chose que permet le journal, préparer les mots pour dire plus simplement les choses, de tout ordre.

En accompagnement, d'autres mots à usage, ceux d'Angel Olsen. Il faut savoir mettre une grosse ambiance par cette chaleur.





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