La chaleur nous écrase
le jour, la nuit, mais dès hier je n'attendais que la libération de
ce matin, partir au parc et courir.
Courir et transpirer
abondamment. En cette aube d'été, les coureurs sont nombreux à
guetter le semblant de fraîcheur des premières heures du jour. On
n'est plus systématiquement doublé ou doublant ; parfois nos
foulées s'accordent avec celles d'un compagnon provisoire pour une ou plusieurs
centaines de mètres, le faible écart des rythmes respectifs rendant
le dépassement plus long. Avec l'augmentation de cette probabilité,
on retrouve d'autant plus souvent le plaisir d'écouter une autre
respiration que la sienne, sur une plage de temps étendue. Sensible
aux sons, j'y retrouve une expression crue du corps de l'autre, qui
m'interpelle souvent autant que la silhouette, alors qu'il y aurait
déjà tant à dire sur ce que l'on éprouve et conçoit en regardant
un autre courir.
Mais l'écouter ouvre à
d'autres propos : l'étagement complexe des sons qui se mêlent dans
le paysage sonore trouve une porte d'entrée inédite. Ma propre
respiration, par sa répétition et son aspect interne, se déréalise,
se fait oublier. Elle retrouve une possibilité de se placer dans le
tableau en côtoyant une congénère extérieure à elle, une autre
qui lui permet de mieux se saisir. Le relief de cet ensemble que je décortique
pourtant à chaque séance avec plaisir se trouve encore contrasté
davantage, creusé par endroits et élevé à d'autres.
En ce moment, je ne cours
qu'au parc Longchamp. Les lignes visuelles se répètent et la
lumière intense de Marseille, peu sujette aux variations, aplanit
sans doute la diversité des informations visuelles, saturées de
similitudes. En courant sur des itinéraires plus longs, qu'ils
soient urbains ou ruraux, j'ai souvent goûté la construction, la
déconstruction et la reconstruction permanente des lignes tandis que
je me donnais, avec mon mouvement, un paysage mouvant. Par la monotonie d'une
boucle unique aux rares variations et à l'éclairage régulier, mon
attention est moins requise par ce qui devient au fil des jours moins
mobile, à l'exception des évolutions telles que le travail des
jardiniers et ses résultats.
Les sons vivent une vie
autre et dont les perspectives, dans le mouvement de la course, sont inépuisables.
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