mercredi 1 juillet 2015

Paysages – 1


La chaleur nous écrase le jour, la nuit, mais dès hier je n'attendais que la libération de ce matin, partir au parc et courir.
Courir et transpirer abondamment. En cette aube d'été, les coureurs sont nombreux à guetter le semblant de fraîcheur des premières heures du jour. On n'est plus systématiquement doublé ou doublant ; parfois nos foulées s'accordent avec celles d'un compagnon provisoire pour une ou plusieurs centaines de mètres, le faible écart des rythmes respectifs rendant le dépassement plus long. Avec l'augmentation de cette probabilité, on retrouve d'autant plus souvent le plaisir d'écouter une autre respiration que la sienne, sur une plage de temps étendue. Sensible aux sons, j'y retrouve une expression crue du corps de l'autre, qui m'interpelle souvent autant que la silhouette, alors qu'il y aurait déjà tant à dire sur ce que l'on éprouve et conçoit en regardant un autre courir.
Mais l'écouter ouvre à d'autres propos : l'étagement complexe des sons qui se mêlent dans le paysage sonore trouve une porte d'entrée inédite. Ma propre respiration, par sa répétition et son aspect interne, se déréalise, se fait oublier. Elle retrouve une possibilité de se placer dans le tableau en côtoyant une congénère extérieure à elle, une autre qui lui permet de mieux se saisir. Le relief de cet ensemble que je décortique pourtant à chaque séance avec plaisir se trouve encore contrasté davantage, creusé par endroits et élevé à d'autres.

En ce moment, je ne cours qu'au parc Longchamp. Les lignes visuelles se répètent et la lumière intense de Marseille, peu sujette aux variations, aplanit sans doute la diversité des informations visuelles, saturées de similitudes. En courant sur des itinéraires plus longs, qu'ils soient urbains ou ruraux, j'ai souvent goûté la construction, la déconstruction et la reconstruction permanente des lignes tandis que je me donnais, avec mon mouvement, un paysage mouvant. Par la monotonie d'une boucle unique aux rares variations et à l'éclairage régulier, mon attention est moins requise par ce qui devient au fil des jours moins mobile, à l'exception des évolutions telles que le travail des jardiniers et ses résultats.
Les sons vivent une vie autre et dont les perspectives, dans le mouvement de la course, sont inépuisables.

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