Pour de très bonnes
raisons, je n'ai ni couru, ni écrit le week-end dernier, juste
marché en compagnie de trois amis venus me rendre une belle visite à
Marseille.
Hier matin, je me suis
donné une séance de fartlek offensif lors de laquelle j'ai croisé
une connaissance rencontrée à un atelier. Le salut furtif, la
connivence de celui qui court et en croise un autre : tous deux
respectent trop leur propre rythme pour déranger celui d'en face. On
lève donc une main distante, sans agitation, sans rompre le cours
des foulées.
Aujourd'hui, réveillé
bien avant la sonnerie programmée, je suis allé tôt au bureau pour
tenter de sauver la fin de semaine vouée à l'accueil de ma famille
croisée avec la visite de Julie. Sorti tard, la frustration d'avoir
donné mes mots à d'autres, sans avoir pu choisir ces derniers,
plutôt que d'en disposer pour moi-même – une frustration
récurrente dans mon travail –, a nourri celle de mon corps
supportant mal l'immobilité contrainte.
Demain donc, malgré une
autre journée longue, j'irai m'éveiller en courant.
Ainsi j'avance, à
digérer ce qui peut faire tourner en rond.
*
Il y a une réelle
frustration à ne pas courir ni écrire et d'avoir lié ces deux
activités dans ce journal m'est encore difficile à analyser ou
décrire.
L'esprit très occupé de
Julie, d'importantes signatures dans les affaires de ma famille, de
ma démission formalisée aujourd'hui même, des événements
historiques que le peuple grec porte, je me contente pour l'instant
d'observer que malgré tout, je n'abolis aucune organisation de la
course ni de l'écriture. Ni l'une ni l'autre, bien qu'en second plan
souvent – c'est nécessaire –, ne disparaît.
Comme je le crois je l'ai
écrit en ouvrant ce journal, les deux me sont constitutives,
essentielles de longue date. Mais leur lien décidé ouvre un jeu
autre.
Des attentions inédites
font leur apparition en courant, tenant à la nourriture de
l'écriture mais aussi à sa digestion. L'écriture elle est plus
opaque dans ses changements actuels.
Elle est, de manière
générale, souvent plus opaque que quoi que ce soit, la déchirure
de cette opacité et dans le même geste sa création pouvant d'un
certain point de vue illustrer son mouvement, son énergie. Mais
selon d'autres perspectives, son acte même, que l'on n'ose réduire,
dont on n'ose suspendre la polysémie et l'orientation multiple, ou
floue, ou variable, cet acte tangible se considère en des termes que
je ne parviens à saisir présentement. Je tape sur mon clavier,
reprend, retape encore, suis tenté d'effacer l'ensemble du
paragraphe, ne le fais pas.
Je peine à articuler ce
que je sais, ce que j'ai lu, avec ce que je tente de discerner, la
nécessité d'un travail tenant l'epoché, tenant la déconstruction,
un travail d'investigation technique pour lequel la fraîcheur des
idées matinales serait plus indiqué. Et ainsi je me projette à
nouveau demain matin, stigmatisant une fois de plus le crépuscule et
la saturation du corps et de l'esprit qui l'accompagne, espérant
pouvoir ensuite explorer d'une manière plus satisfaisante, mieux
nourrie, la question dans une autre note de journal.
*
Je n'ai toujours pas
acheté de nouvelles chaussures et l'usure des semelles commence à
agacer mon genou. Il va falloir solder, avant la fin de la semaine.
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