dimanche 20 septembre 2015

Entre les trajets


En tapant aussi fort qu'à mon habitude sur les touches, j'espère ne réveiller personne dans le train. Il est péniblement 8 heures entre Rennes et Lyon, avant la correspondance pour Clermont. À Brest, le départ était à 4 heures 46 ce qui est tôt. Pourtant, je n'ai dormi qu'un petite heure, trop occupé à ouvrir un nouveau chapitre dans le carnet qui me sert à consigner mes voyages. Si je vais à Clermont, c'est pour une résidence, et si résidence il y a, c'est pour une tournée, un retour aux affaires après trois années de pause entrecoupées d'heureuses récréations (avec les Wrong Canadians notamment).
Ceci cumulé avec une démission, un déménagement de Marseille à Brest qu'il s'agissait de préparer puis d'assurer, avant une installation, un pacs et les urgences à tenir – les paperasses, un premier petit travail en indépendant, la maintenance du matériel –, il a fallu conserver du temps d'abord pour courir, ensuite seulement pour revenir à ce journal. Mais comme toute hygiène dont l'urgence grandissante se manifeste par des démangeaisons, je n'en pouvais plus de ne pas écrire en ce lieu.

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Les adieux à la vie à Marseille ont duré. Difficile de passer en revue les émotions nécessaires, difficile de ne pas se sentir troublé en quittant la rue Consolat au volant d'un camion. Ce sont de précieuses amitiés qui se trouvèrent en deux jours de route jetées à plus de mille kilomètres.
Reste que si j'ai couru mes derniers tours de parc Longchamp seul, j'ai pu auparavant partager cet itinéraire avec Guilhaume, lui dans une bien meilleure forme que la mienne. Et ce sont les habituels repères du partage des foulées qu'il faut retrouver, l'affût des signes dans l'allure, les variations infimes de parcours sur lesquelles s'accorder en bousculant les routines personnelles. Je crois que l'un et l'autre, on préfère courir seul mais qu'on tenait à courir ensemble.
En arrivant à Brest, le verdict de la balance a souligné l'évidence : à quatre kilos de mon poids de forme – 76 au lieu de 72 –, je traîne la coupure de cet été, la gourmandise et un emploi du temps perturbé. Les sorties pourtant sont belles, vallon du Stang Alar, pont Albert Louppe au-dessus de la rade, ports du Moulin Blanc et de commerce – malgré les effluves moins heureuses baignant ce dernier. Alors que le Longchamp me donnait la sensation peu à peu de m'engluer dans son bitume, les routes et chemins brestois m'éveillent, les perspectives entièrement renouvelées, en se succédant sans répétition, portent vers des sensations dont le développement, que je sais de mieux en mieux scruter, m'apaisent. Cette hygiène sensuelle rejoint celle de l'écriture, la complète et la sert, la nourrit.
Aucun des projets sur lesquels je travaille ne pourrait avancer sans la course. C'est une dépendance effrayante mais qu'il me faut accepter sous peine de me rendormir.

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J'ai encore acheté des livres. Toutes les bonnes âmes qui m'ont aidé au chargement ou au déchargement du camion lors de mon déménagement sont en droit de me le reprocher. Visions de Cody de Kerouac pour la littérature, Une histoire de la modernité sonore enfin traduit pour creuser le sillon du génial Perfecting Sound Forever. Pessoa et sa poésie se sont aussi glissés là.

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Ainsi par l'acceptation des évidences débute la vie rêvée, avec Julie.

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Depuis l'écriture de ces mots s'est écoulé un week-end studieux, amical, à la vitesse qui berce le dernier mois.

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