En tapant aussi fort qu'à
mon habitude sur les touches, j'espère ne réveiller personne dans
le train. Il est péniblement 8 heures entre Rennes et Lyon, avant la
correspondance pour Clermont. À Brest, le départ était à 4 heures
46 ce qui est tôt. Pourtant, je n'ai dormi qu'un petite heure, trop
occupé à ouvrir un nouveau chapitre dans le carnet qui me sert à
consigner mes voyages. Si je vais à Clermont, c'est pour une
résidence, et si résidence il y a, c'est pour une tournée, un
retour aux affaires après trois années de pause entrecoupées
d'heureuses récréations (avec les Wrong Canadians notamment).
Ceci cumulé avec une
démission, un déménagement de Marseille à Brest qu'il s'agissait
de préparer puis d'assurer, avant une installation, un pacs et les
urgences à tenir – les paperasses, un premier petit travail en
indépendant, la maintenance du matériel –, il a fallu conserver
du temps d'abord pour courir, ensuite seulement pour revenir à ce
journal. Mais comme toute hygiène dont l'urgence grandissante se
manifeste par des démangeaisons, je n'en pouvais plus de ne pas
écrire en ce lieu.
*
Les adieux à la vie à
Marseille ont duré. Difficile de passer en revue les émotions
nécessaires, difficile de ne pas se sentir troublé en quittant la
rue Consolat au volant d'un camion. Ce sont de précieuses amitiés
qui se trouvèrent en deux jours de route jetées à plus de mille
kilomètres.
Reste que si j'ai couru
mes derniers tours de parc Longchamp seul, j'ai pu auparavant
partager cet itinéraire avec Guilhaume, lui dans une bien meilleure
forme que la mienne. Et ce sont les habituels repères du partage des
foulées qu'il faut retrouver, l'affût des signes dans l'allure, les
variations infimes de parcours sur lesquelles s'accorder en
bousculant les routines personnelles. Je crois que l'un et l'autre,
on préfère courir seul mais qu'on tenait à courir ensemble.
En arrivant à Brest, le
verdict de la balance a souligné l'évidence : à quatre kilos de
mon poids de forme – 76 au lieu de 72 –, je traîne la coupure de
cet été, la gourmandise et un emploi du temps perturbé. Les
sorties pourtant sont belles, vallon du Stang Alar, pont Albert
Louppe au-dessus de la rade, ports du Moulin Blanc et de commerce –
malgré les effluves moins heureuses baignant ce dernier. Alors que
le Longchamp me donnait la sensation peu à peu de m'engluer dans son
bitume, les routes et chemins brestois m'éveillent, les perspectives
entièrement renouvelées, en se succédant sans répétition,
portent vers des sensations dont le développement, que je sais de
mieux en mieux scruter, m'apaisent. Cette hygiène sensuelle rejoint
celle de l'écriture, la complète et la sert, la nourrit.
Aucun des projets sur
lesquels je travaille ne pourrait avancer sans la course. C'est une
dépendance effrayante mais qu'il me faut accepter sous peine de me
rendormir.
*
J'ai encore acheté des
livres. Toutes les bonnes âmes qui m'ont aidé au chargement ou au
déchargement du camion lors de mon déménagement sont en droit de
me le reprocher. Visions de Cody de Kerouac pour la
littérature, Une histoire de la modernité sonore enfin
traduit pour creuser le sillon du génial Perfecting Sound
Forever. Pessoa et sa poésie se sont aussi glissés là.
*
Ainsi par l'acceptation
des évidences débute la vie rêvée, avec Julie.
*
Depuis l'écriture de ces
mots s'est écoulé un week-end studieux, amical, à la vitesse qui
berce le dernier mois.
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